PROMENADE NILOTIQUE

PROMENADE NILOTIQUE



(avril 2024)

Bêtises préliminaires

Lisant Mort sur le Nil sur le Nil.

À l'entrée du Temple d'Horus à Edfou, en tenue de supporter d'Horus dans son match retour victorieux contre Set.

(Photo de Mireille Legros)

Au musée de la place Tahrir, lisant Le Roman de la momie,

vêtu de La Momie, en compagnie d'une momie.

(Photo de Mireille Legros)

Au musée de la place Tahrir, lisant un bout du Livre des morts devant un bout du Livre des morts.

(Photo de Mireille Legros)

Enfin, un de mes très rares selfies avait été réalisé devant la pyramide de Nicolas Cage au Cimetière Saint-Louis N°1 à la Nouvelle-Orléans, le 27 juillet 2022:

Pour plus sur ce périple-là, voir bien sûr ma "promenade musicale" intitulée "Dix jours d'un concert à l'autre à la Nouvelle-Orléans", parue dans la revue Miranda.

... et j'ai tenté un vague remake devant la pyramide de Mykérinos sur le plateau de Gizeh:


10 avril

Le temple ptolémaïque d'Horus, à Edfou, près d'Assouan, en Haute-Égypte, fut la première étape de ce périple au long du Nil, sur un navire de croisière appelé Nile Capital. Cette visite, comme toutes celles qu'on allait faire en Haute-Égypte, se fit sous la direction d'un guide affable, drôle et captivant, métisse arabe et nubien, ancien boxeur et footballeur, du nom d'Amr (prononcé Amrou).

Mythologiquement, c'est là que le dieu-faucon fait sa fête à son oncle Set, pour venger Osiris, père défunt d'Horus et frère de Set que ce dernier a découpé en morceaux.


La conception "classique" du temple, avec sa cour ouverte à tous suivi d'une salle à colonnes dite "salle hypostyle" pour les nobles et d'un sanctuaire où n'entraient que les prêtres et le pharaon, donne l'occasion au guide de nous initier à l'architecture religieuse de l'Égypte antique.

See page for author, CC BY 4.0, via Wikimedia Commons

Pour conclure sur Edfou, une petite photo de famille/groupe:

(Photo d'une passante serviable)

Après la pause de midi, le bateau nous a conduits jusqu'au pied du temple de Kom Ombo, construction de la même période que celui d'Edfou, très comparable dans sa structure, si ce n'est que c'est un double temple, dédié à la fois au dieu crocodile Sobek et à Haroëris (un avatar d'Horus dont le nom signifie "Horus l'Ancien"/"Horus l'Aîné").

On a aussi eu l'occasion d'admirer le "nilomètre" du temple de Kom Ombo, qui servait à mesurer/prévoir les crues et décrues du Nil:

Enfin, parce que le temple est dédié à Sobek, on y trouve un insolite "musée du crocodile" où l'on peut observer de nombreux crocodiles du Nil momifiés:

(Photos de Cecilia Camus)


11 avril

Le lendemain, on a visité Philæ et on est passé à côté d'Éléphantine. Programme d'autant plus réjouissant de par l'amusante coïncidence: la veille, dans ma lecture post-Kom Ombo, Linnet et Simon Doyle faisaient justement semblant d'aller visiter Philæ pour tenter de semer Jacqueline de Bellefort, et Hercule Poirot visitait vraiment Éléphantine. En outre, tout ce beau monde a, dans cette partie du bouquin, son camp de base à l'hôtel Old Cataract, qu'on a aussi vu passer dans notre champ de vision pendant les allées et venues de la journée.


"Visiter Philæ", aujourd'hui, c'est en fait visiter un magnifique temple de l'époque gréco-romaine, dédié à Isis, et situé sur l'île d'Aguilkia. Il se trouvait à l'origine sur l'île de Philæ (et c'est là que Linnet et Simon Doyle prétendent aller dans le bouquin), mais celle-ci a été engloutie par le lac de retenue du haut barrage d'Assouan dans les années 1970, et, entre-temps, le temple a été sauvé en étant entièrement démonté et remonté à l'identique sur Aguilkia.


La très bonne condition de conservation du temple, le contexte insulaire, encerclé par le ciel clair et les eaux paisibles du lac, ainsi que l'ébahissement à l'idée de l'incroyable logistique du sauvetage de la structure, contribuent à donner à la visite une ambiance magique.

(Photos de Cecilia Camus)

Ça, c'était donc la visite du matin. Un bateau à moteur nous avait conduits à Philæ puis nous a reconduits au Nile Capital pour le déjeuner.


L'après-midi, c'est une felouque que nous prîmes pour un tour rapide et pittoresque des sites insulaires ou côtiers autour d'Assouan.

Felouques vues d'une felouque.

Felouque un peu comme la nôtre, vue de la nôtre. (Photo de Cecilia Camus)

Famille Camus voguant sur les flots.


(Photos de Mireille Legros)

Champs, forêts, montagnes, désert: l'Égypte ou le paysage tout-en-un.

C'est là qu'on a pu apercevoir les deux autres sites (à part Philæ) mentionnés la veille par Agatha Christie:

L'hôtel Old Cataract (nommé d'après la première cataracte (Les cataractes du Nil étant quatre rapides où la navigation est plus difficile, et la première, près d'Assouan, est la seule qui se trouve en Égypte. Les trois autres sont au Soudan.) Outre Christie qui y aurait commencé Mort sur le Nil (et donc ses persos qui y sont aussi au début), Amr a mis un point d'honneur à nous rappeler que c'était aussi l'hôtel où descendait François Mitterrand.


(1ère photo de Cecilia Camus, 2ème de Mireille Legros

L'île Éléphantine, dont le nom a inspiré plusieurs théories, sur son origine (son nom antique a trait aux éléphants et à l'ivoire, sa forme générale, sur la carte, ferait penser à celle d'une défense d'éléphant...)...


(Photo de Cecilia Camus)

... mais d'après le guide la raison serait ce rocher, qui, selon lui, fait penser à un éléphant... Allez savoir.


(Photo de Cecilia Camus)

Et, au passage, on y a aussi vu (de très loin) le mausolée de l'Aga Khan:

(Photo de Cecilia Camus)

Et tout ça en musique, puisque le coin grouille de chanteurs, qu'il s'agisse des jeunes qui flottent jusqu'aux felouques de touristes sur des planches de surf, puis s'y accrochent pour faire la sérénade aux passagers (donnant ainsi un nouveau sens inédit à l'expression "surf music"), ou d'un membre de l'équipage qui y va aussi de ses vocalises en s'accompagnant d'un tambour sur cadre. Plus ou moins la même playlist, d'un interprète à l'autre: "Alouette", "Il était un petit navire", "La Macarena" et "Waka Waka (This Time for Africa)", même si le membre d'équipage y ajoute aussi un chant local en arabe (avant de clôturer son tour de chant par un retentissant: "Ça roule, ma bloule?!")

(Captures d'écran à partir de vidéos filmées par Mireille Legros)

On a ensuite abordé sur l'île de Kitchener pour une brève déambulation dans le jardin botanique d'Assouan...

(Photos de Mireille Legros)

... puis sur une autre île, Sohail ou Éléphantine (Amr n'a pas précisé) pour un petit tour à travers un village traditionnel nubien:

(Première et dernière photos de Cecilia Camus. La dernière est une photo de l'école.)

(Photos by Cecilia Camus)

(Photos by Mireille Legros)

Une belle vue panoramique d'Assouan depuis une colline élevée au-dessus du village.

Dans une maison du village, portrait de ma mère comme si j'étais Google Maps

Sur la colline, portrait de famille sur un tuk-tuk (mon expression faciale donne une bonne idée de mon sentiment sur ce moyen de transport).


(Photo de Mireille Legros)

12 avril


ABOU SIMBEL !!



Là aussi, c'est le soir précédent, donc la veille de notre visite du temple que Ramsès II s'est dédié à lui-même, qu'Hercule Poirot et ses compagnons de croisière du bateau Karnak ont visité le même temple, avec une première mystérieuse tentative de meurtre à la clé.


Départ à quatre heures du mat' (il y a trois heures de bus), pause à mi-chemin pour un petit déjeuner dans le désert:

(Photos de Cecilia Camus)

...puis le bus a continué à nous rapprocher inexorablement de la frontière soudanaise, avant de bifurquer vers le lac Nasser une soixante-dizaine de kilomètres avant de changer de pays (mais de rester en Nubie!), et c'est ainsi qu'on a fini par se retrouver au pied des quatre fameux Ramsès géants qui veillent à l'entrée du temple d'Abou Simbel, colossale construction creusée à même la roche de la colline de Méha, et (comme le temple de Philae) entièrement démonté et reconstruit, dans les années 1960, pour le mettre à l'abri de la montée des eaux du lac Nasser à la suite de l'édification du haut barrage d'Assouan. 

...et comme ça j'ai eu l'occasion de m'asseoir un peu avec eux, mais ils n'étaient pas très causants:

(Photo de Mireille Legros)

L'intérieur du temple ne manque pas non plus de statues de Ramsès II, cette fois-ci debout en pose dite "osiriaque", avec ses deux sceptres, nekhekh (ou "fouet" — interprété comme un chasse-mouche par certains égyptologues) et heka (censé évoquer un bâton de berger), croisés devant sa poitrine:

On y trouve aussi des bas-reliefs également à la gloire de Ramsès II (forcément, c'est son temple, fait par lui, pour lui, et même avec lui). Ainsi de la bataille de Qadesh (Syrie, 1274 av. J.-C), que l'animateur anglais Greg Jenner a qualifié, dans le podcast historique BBC You're Dead to Me, de première "fake news" de l'histoire (dans le sens où Ramsès a perdu cette bataille contre les Hittites, mais a convaincu le peuple égyptien qu'il l'avait gagnée triomphalement) (dans la bouche de notre guide, c'est plutôt: il l'a gagnée triomphalement, mais les Syriens prétendent qu'il l'a perdue):

(Photo de Mireille Legros)


Un autre "événément" mis à l'honneur sur un mur du temple est le couronnement de Ramsès, fortement mythologisé puisque c'est les dieux Horus et Set qui procèdent à la cérémonie (Pourquoi le maléfique oncle Set, assassin d'Osiris, dieu du désert et du chaos? D'après Amr, c'était façon de nettoyer la symbolique autour d'un dieu auquel le père de Ramsès II, Séthi Ier, avait mine de rien été voué de par son nom (Séthi, qui signifie "fidèle à Set")):

(Photo de Cecilia Camus)


Du coup, puisque le prestigieux dieu pharaon Horus est de la partie, pour le couronnement, on imagine bien que nombre de colonnes de la salle hypostyle lui sont consacrées, mais il y en a aussi un certain nombre qui figurent l'épouse d'Horus, la déesse Hathor — ainsi, comme le système symbolique du temple suggère qu'Horus parraine directement Ramsès, la même chose est suggérée concernant Hathor et l'épouse de Ramsès, Nefertari:

(Photos de Cecilia Camus) (sauf la dernière, en plan large: photo de Mireille Legros)

Les nombreuses petites salles attenantes à la salle hypostyle foisonnent de bas-reliefs répétitifs figurant Ramsès II présentant des offrandes au dieu Horus (puisque l'idée de ce temple, outre le fait d'exalter Ramsès en tant que chef militaire et de lui donner le statut de dieu lui-même, était aussi pour lui de s'accaparer la fonction de prêtre):

(Cette photo-là est de Cecilia Camus)


Quant au sanctuaire, il contient, là encore, quatre statues de Ramsès II, assises de nouveau, comme sur la monumentale façade, mais dans une ambiance moins épique, plus méditative:

(Photo de Cecilia Camus)

Vue de l'entrée du sanctuaire (Photo de Mireille Legros)



À côté de son temple, Ramsès II en a aussi fait ériger un à Nefertari, la proclamant donc déesse comme il s'est proclamé dieu. (Là aussi, creusé dans la roche, à l'origine dans la colline d'Ibshek, mais lui aussi déplacé pour échapper à la submersion par le lac Nasser).


Il est notable toutefois que ce temple est nettement plus petit, et que même l'entrée n'est ornée que de deux statues de Nefertari, et quatre de Ramsès! 🙄


Du coup, petite conversation avec Ramsès, en mode: "Ramsès, t'es lourd."

(Photo de Mireille Legros)

Je suis parvenu à lui faire entendre raison (un peu), et la petite salle hypostyle s'est ainsi révélée tourner vraiment beaucoup plus autour de Nefertari, assimilée à Hathor par de nombreuses représentations de la déesse, et notamment par le fait que les colonnes sont systématiquement des "colonnes hathoriques", , dont le chapiteau est orné du visage d'Hathor, reconnaissable à ses oreilles de vache.

On n'a apparemment pas de photos du sanctuaire de Nefertari. Les miennes sont plus floues que si mon appareil photo avait pris une cuite avec Ramsès, et mes compagnes de voyage n'ont pas l'air d'en avoir pris. Par contre, voici quelques jolies photos du lac Nasser et de ses abords (puisqu'on était, précisément, sur ses abords):


Interlude nautique

Comme l'après-midi du 12 avril et l'intégralité du 13 furent passés exclusivement à naviguer d'Assouan vers Louxor, c'est le bon moment pour placer quelques aperçus du Nile Capital, le bateau qui fut notre maison flottante pendant sept jours (du 9 au 15 avril) — même si ces photos ont été prises d'autres jours que le 12 et le 13.


D'abord, vu de l'extérieur, à quoi ressemble-t-il? Eh bien il n'est pas évident de le prendre, car les bateaux de croisière du Nil accostent toujours en enfilade, si bien que, pour monter sur le sien, on passe généralement par les autres. Sur la seule photo qu'on a, il est derrière les autres, donc on ne le voit pas vraiment, mais ils ont tous un peu une tête comme celui qu'on voit devant, quoi:

(Photo de Mireille Legros)



Maintenant, voilà à quoi ressemble le pont supérieur ou pont solarium:

Version Cecilia Camus:

Version Mireille Legros:



Vues des berges du Nil depuis les fauteuils confortables des ponts intérieurs:



Le bar (avec un aperçu de l'escalier du hall d'entrée):

(Photos de Mireille Legros)

... et la version "soirée danses et chants nubiens" (Photo de Cecilia Camus)

L'entrée du restaurant (pendant la "soirée orientale" — les autres jours, les serveurs qu'on voit là étaient en costards...)

(... ou en uniformes de cuistots...)

(Photo de Cecilia Camus)



Enfin, les chambres (quatre photos de moi, puis deux de Cecilia Camus, puis une de Mireille Legros):

... avec notamment un aperçu de la créativité du personnel qui les nettoyait (première et dernière photos de Cecilia Camus; les autres sont de Mireille Legros):


14 avril



Journée extrêêêêêmement riche à Louxor.


On commence par la visite de trois tombes de la Vallée des Rois.

Avant ça, on aura eu droit à une petite introduction générale par Amr devant l'entrée de la tombe de Ramsès VII (la première tombe découverte dans la Vallée), même si on n'entrera pas dans cette tombe-là (et le guide ne nous accompagnera ensuite dans aucune des tombes — apparemment, ils n'ont pas le droit (lui prétend que c'est parce que les pharaons morts et leurs potes les dieux n'aiment pas trop les guides; peut-être que c'est plus parce qu'on manque singulièrement de place dans les tombes, et qu'il y a beaucoup de gens, et que le genre d'attroupements autour des guides qu'on fait sans problème dans les temples serait un peu plus gênant dans ce cas-là).

(Photo de Cecilia Camus)

Lorsqu'on entre ensuite dans les tombes de Ramsès IX et de Ramsès III, c'est l'émerveillement. L'univers graphique évocateur qu'on a déjà pu contempler sur les murs des temples, à base de tableaux gravés dans la pierre, où des figures iconiques s'activent sur des plans tapissés de hiéroglyphes, autant de formes d'images qui se complètent pour raconter sur deux modes visuels différents (celui de la représentation pour les tableaux eux-mêmes, celui d'un mélange étonnant de narration verbale et de symbolisme graphique pour les hiéroglyphes), tout cela prend vie (paradoxalement) sur les murs des tombes, parce que dans cet espace souterrain et confiné, les couleurs éclatantes dont ces décorations sacrées étaient parées à leur naissance sont beaucoup mieux préservées. Et donc cet univers (ici complètement eschatologique, avec des suites hiéroglyphiques qui reproduisent des extraits du Livre des morts ou du Livre des cavernes, racontant le cheminement des défunts dans l'après-vie, et des tableaux qui représentent ce même cheminement) devient non plus gris comme la pierre, mais sublimement quadrichromique, comme une immense bande dessinée mystique qui envahit le moindre recoin des murs (et, du coup, nous entoure et nous enveloppe jusqu'au vertige).

(Photo de Mireille Legros)

(Photos de Mireille Legros)

Certains regardent passer les trains. Me voilà en train de regarder les barques solaires qui transportent les doubles éthériques (ou "ka") des morts à travers le Douât, à la rencontre des psychopompes (Thot, Anubis, Osiris, etc.) qui procéderont — et des 42 juges qui assisteront — à la psychostasie (la pesée du cœur du défunt).


(Photos de Mireille Legros)

(Photos de Mireille Legros)

Le reste de la Vallée des Rois nous est surtout apparu depuis le bus, même si on allait rester encore un peu, ce matin-là, dans la nécropole thébaine (qui s'étend sur la rive ouest du Nil en face de Louxor et comprend les vallées creusées de tombes (Vallées des Rois, des Reines, des Nobles et des Artisans) et un certain nombre de temples funéraires) et y revenir le lendemain pour en visiter d'autres coins.

(La deuxième série de photos est de Mireille Legros, et la dernière photo montre de vieilles maisons abandonnées construites du temps où les habitants de la région avait une maison au bord du Nil, et une maison dans la montagne où ils migraient pendant la crue du fleuve, pratique devenue moins nécessaire au fil des constructions de digues pour réguler les crues, et inutile après la construction du premier barrage d'Assouan au tournant du XXème siècle.)

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